Comment gérer un transfert ou une succession de ferme au sein de la famille?
Au Canada, la vente d’une propriété agricole à un ou plusieurs enfants de la famille est le type de transfert le plus commun. Lorsque les parents choisissent de céder l’entreprise à la relève familiale, ils sont inévitablement influencés par des valeurs humaines qui prennent souvent le dessus sur les considérations monétaires.
En effet, le transfert de la propriété dans la famille peut se faire, et c’est souvent le cas, en octroyant aux actifs une valeur inférieure à celle du marché. Dans ce cas, plusieurs éléments sont à prendre en considération, comme l’équité entre les enfants, les revenus de retraite des cédants et la transition du leadership.
Être accompagné par un spécialiste vous permettra d’y voir plus clair, de faire les choses sereinement et de bien comprendre toutes les étapes d’un transfert d’entreprise.
Comment gérer la succession d’une entreprise agricole à un enfant?
Il arrive qu’un des enfants de la famille manifeste naturellement des aptitudes pour le travail de la ferme. Même si aucun de ses frères ou sœurs ne montre un tel intérêt, le transfert de la ferme devrait se faire en considérant l’impact de la transaction sur les autres membres de la famille et les employés clés.
Les considérations monétaires, une source de conflit?
Une ferme a souvent une valeur affective importante pour tous les membres de la famille. Vous n’êtes pas à l’abri de questions sur l’héritage. Assurez-vous de consulter chaque enfant afin de connaître ses besoins et de trouver les solutions appropriées.
Comment gérer la succession d’entreprise agricole entre plusieurs frères et sœurs?
Lorsque plus d’un enfant de la famille souhaite reprendre l’exploitation agricole, il est conseillé de :
- S’entendre à l’avance sur la vision à long terme des frères et sœurs
- Définir les rôles de chacun pour éviter les conflits
- Se munir d’une convention d’actionnaire enregistrée par un avocat ou un notaire pour bien prévoir les étapes de vie de votre entreprise
Comment gérer un transfert de ferme à un acheteur non apparenté?
Il n’y a pas de relève parmi vos enfants ou vos neveux et nièces?
Vous pourriez vendre votre ferme à un acheteur extérieur à votre famille – on utilise souvent le terme « partie non apparentée ». On voit fréquemment des transactions entre voisins ou proches voisins qui ont une relève engagée, et qui peuvent ainsi agrandir leur propre entreprise agricole sans s’éloigner de leur résidence principale. Ce type de transfert peut amener une certaine synergie entre les voisins et optimiser l’utilisation des actifs, justifier l’embauche d’un employé et permettre le partage de machinerie ou de main-d’œuvre.
Voici d’autres conseils pour ce type de transaction :
- Il est possible de faire affaire avec un courtier immobilier spécialisé dans le secteur agricole, mais gardez en tête que vous aurez à payer une commission. Commencez plutôt par faire part de vos intentions de vendre aux voisins qui vous entourent.
- Est-ce que vendre est la meilleure option pour vous? Allez sonder plusieurs intervenants, comme votre comptable ou l’organisme paragouvernemental Arterre, soutenu par le MAPAQ. Il jumelle des propriétaires à des aspirants-agriculteurs. Vous pourriez aussi décider de louer vos terres à votre voisin.
- Vous devrez probablement organiser plusieurs visites. Le repreneur devra se renseigner sur les installations et le site. C’est une transaction qui peut se faire sur le long terme, surtout si l’acheteur ne connait pas l’entreprise. Même un repreneur qui a travaillé dans votre ferme peut demander plusieurs visites afin de faire une investigation complète avant l’achat.
- L’acheteur peut changer l’usage du bien agricole, comme transformer une ferme laitière en ferme maraîchère. Les bâtiments sont souvent utilisés pour l’entreposage de machinerie.
- Qu’en est-il du démantèlement des actifs? C’est-à-dire acheter les terres, mais pas les biens immobiliers. L’acheteur pourrait délotir les bâtiments et acheter uniquement la terre qui se détache par lotissement. Des demandes doivent être faites à la CPTAQ et c’est un processus complexe. Pour acheter une bâtisse on doit acheter le lot sur lequel elle se situe.
- Concernant le prix de vente, les cédants peuvent parfois aider la relève non apparentée en accordant un solde de prix de vente. C’est-à-dire que le vendeur se garde un certain montant non payé pour faciliter l’accès au financement du repreneur.
- La pérennité de l’entreprise est souvent très importante pour les propriétaires. Les cédants pourraient être conciliants sur le prix de l’entreprise pour assurer sa continuité, même si l’acheteur ne fait pas partie de la famille.
Comment préparer un transfert ou une succession de ferme?
Que vous vendiez votre ferme à l’un de vos enfants, à un voisin ou à quelqu’un d’autre, il y a plusieurs éléments à considérer pour que les choses se déroulent rondement.
Donnez-vous le temps qu’il faut
Le mot d’ordre, c’est de se donner du temps, tout en s’assurant de faire avancer les choses et d’être efficace.
Pour les cédants :
- On considère de nos jours qu’une période de transition d’environ cinq ans est réaliste pour bien réaliser un transfert d’entreprise. Ces années devraient être mises à profit pour établir votre stratégie, évaluer ses impacts et prendre les bonnes décisions.
- Il existe un régime fiscal spécifique au domaine agricole. Assurez-vous de consulter un fiscaliste spécialisé en agriculture pour bien comprendre les avantages dont vous pourriez bénéficier, par exemple pour réduire votre fardeau fiscal, que vous soyez cédant ou repreneur.
- Si vous vendez à l’un de vos enfants, il est important de vous assurer que votre repreneur est prêt et bien formé pour prendre les rênes de l’entreprise. Réfléchissez également au rôle que vous voudrez jouer au sein de la ferme après la vente.
- Prenez du temps pour explorer vos valeurs profondes. Après avoir travaillé sur votre ferme presque tous les jours de votre vie active, à quoi désirez-vous vous consacrer pour « l’après »? Cette période peut être riche en discussions et en prises de conscience.
Comme repreneur :
- Réfléchissez aussi à votre « pourquoi », à ce qui vous motive à embrasser la vie d’agriculteur-propriétaire, car le mode de vie entrepreneurial peut par moment être très exigeant. Vous surmonterez les défis si votre motivation est basée sur vos valeurs profondes.
- Profitez de cette période pour vous familiariser avec les meilleures pratiques pour acheter une entreprise.
À quel prix allez-vous vendre votre ferme?
Déterminez la juste valeur de votre entreprise agricole. Il est recommandé de se tourner vers des évaluateurs d’entreprises spécialisés dans le domaine agricole.
Ils pourront vous donner le prix du marché de votre propriété en déterminant la valeur des terres, des bâtiments et de la machinerie tout en considérant la valeur de votre quota, le cas échéant.
Évaluez le potentiel de rentabilité et de performance de l’entreprise, avec sa capacité de générer des fonds propres.
Cédant : Aurez-vous assez d’argent pour votre retraite?
Les producteurs agricoles ont souvent peu de diversification financière, et une très grande partie de leurs revenus de retraite proviendra de la vente de la ferme. Il faudra veiller à ne pas se mettre en situation financière délicate pour la retraite à trop vouloir aider sa progéniture à acquérir la ferme.
Voici les étapes à suivre :
- Procéder à l’analyse de votre situation financière et évaluer vos besoins pour la retraite.
- Faire appel à un planificateur ou une planificatrice financière pour évaluer quel sera votre niveau de vie tout au long de votre retraite. Il ou elle déterminera vos différentes sources de revenus, comme les prestations gouvernementales, vos REER si vous en avez et vos placements, puis considérera vos projets pour déterminer les montants que vous pourrez décaisser chaque année jusqu’à la fin de vos jours.
Repreneur : Comment financerez-vous votre acquisition à sa juste valeur?
Une propriété agricole peut valoir plusieurs millions de dollars. Il est presque inévitable que vous deviez obtenir un financement d’une institution financière pour l’acquérir.
Bon à savoir : La plupart des grandes banques et coopératives financières canadiennes ont mis en place des équipes agricoles composées d’experts qui sauront vous accompagner. Il y a fort à parier que vous pourrez bénéficier de souplesse ou d’aménagements vous permettant d’atténuer la charge financière du remboursement de la dette.
Comment gérer la vie après l’achat ou la vente de la ferme?
Il n’est pas rare qu’un agriculteur ou une agricultrice continue de s’impliquer dans sa ferme après l’avoir vendue. En restant proche de l’exploitation en tant que mentor ou travailleur occasionnel, mais sans en porter toute la responsabilité, les retraités peuvent graduellement passer à autre chose s’ils le souhaitent.
En somme, la vente d’une entreprise agricole ne signifie pas nécessairement la fin de votre aventure sur votre ferme si vous êtes le cédant, surtout si vous la vendez à votre relève. Si vous êtes le repreneur, c’est assurément le début d’une grande aventure. Dans les deux cas, c’est un processus qui nécessite de réfléchir à vos envies et à vos besoins pour l’avenir, et de bien planifier les étapes pour les satisfaire. Pour réussir votre projet de transfert d’entreprise, parlez à un expert qui vous accompagnera dans toutes les étapes et contribuera à votre paix d’esprit.
À retenir
Pour les cédants :
- La planification de retraite doit être solide, surtout lors d’un transfert familial.
- La transition du leadership doit aussi être planifiée.
- La fiscalité spécifique au domaine agricole nécessite l’accompagnement d’expert.
- Lors d’un transfert familial, assurez-vous d’être équitable envers tous les membres de la famille.
- L’impact de la transaction sur les autres membres de la famille et les employés clés doit être pris en compte.
Pour les repreneurs :
- Réfléchissez aux raisons qui vous poussent à reprendre une entreprise agricole et à votre vision en amont.
- Consultez les étapes d’achat d’une entreprise.
- Obtenez du financement et l’accompagnement d’un expert.