Améliorer la structure financière
Pour Michel Babeu, CPA, CA, associé chez Richter, la première préoccupation dans une entreprise qui commence à dégager des profits devrait être d’améliorer sa structure financière : « Dans une entreprise en démarrage, le ratio de fonds de roulement est souvent de 1 : les actifs à court terme sont d’un montant à peu près égal à celui des dépenses à court terme. Quand on commence à faire du profit, il est bon de ramener ce ratio à 1,2. » Ceci revient à disposer de 1,20 $ d’actifs à court terme (comptes clients, stocks, inventaires...) pour chaque dollar de dettes à court terme (comptes fournisseurs, salaires et versements de prêts bancaires, notamment).
L’une des avenues pour améliorer le ratio de fonds de roulement consiste à réduire ses dettes. En utilisant ses bénéfices pour rembourser un prêt, par exemple. L’autre possibilité est d’augmenter le fonds de roulement, en y laissant tout simplement les liquidités excédentaires.
Le grand avantage d’un ratio de fonds de roulement plus élevé est que l’entreprise peut alors composer plus facilement avec les imprévus, que les surprises soient bonnes ou mauvaises. Une machine rend l’âme ? On pourra la réparer ou la remplacer sans trop de difficulté. Un important contrat se présente ? On sera à même de l’accepter et de financer la croissance de l’entreprise, avec les investissements en main-d’œuvre, en équipement et en matières premières nécessaires.
Disposer de plus de liquidités a un autre bon côté : « Quand on est capable de payer ses fournisseurs rapidement, on est en situation de pouvoir leur demander un escompte. Une réduction de 1 ou 2 % pour paiement en moins de dix jours, c’est un meilleur rendement que bien des placements ces temps-ci », fait valoir le spécialiste en fiscalité des entreprises.
Verser des primes ou des dividendes
Ensuite, l’entrepreneur qui souhaite sécuriser sa situation financière personnelle ou celle de sa famille peut se verser une prime ou un dividende. Mais à quel moment a-t-il assez d’argent dans le fonds de roulement pour se le permettre ?
Pour répondre à cette question, il faut d’abord considérer les exigences des prêteurs. « L’institution financière est un partenaire d’affaires, rappelle Michel Babeu. Souvent, le prêteur précise qu’on ne peut pas verser de primes ou de dividendes sans son accord. Il peut exiger qu’un certain ratio de fonds de roulement soit respecté avant de donner son autorisation, par exemple. »
Lorsque les conditions de l’institution financière sont respectées, que le ratio de fonds de roulement devient élevé – Michel Babeu parle d’un ratio de 2 – et que le taux d’endettement se situe autour de 60 %, le comptable estime qu’on a avantage à sortir les actifs supplémentaires de l’entreprise, afin de diminuer la part de risque qu’elle assume.
Fait-on alors mieux de se verser une prime (soumise à l’impôt personnel sur le revenu) ou un dividende (sur lequel la compagnie et l’individu seront imposés) ? « Au total, la différence de charge fiscale entre les deux formules est d’environ 2 % », dit Michel Babeu, qui considère que la seconde formule n’est que légèrement plus avantageuse.
Créer une société de gestion
L’entrepreneur peut aussi mettre en place une société de gestion qui détiendra des actions de sa compagnie (la « société opérante »). Les profits de cette dernière seront versés à la société de gestion, et ce, sans être soumis à l’impôt sur les sociétés. Seuls les revenus de la société de gestion le seront. En outre, les actifs qui sont versés dans la société de gestion sont protégés des créanciers de la société opérante, ce qui réduit le risque d’affaires.
« L’impôt reporté peut être investi en Bourse, dans l’immobilier locatif… On les laisse dans la société de gestion pour faire des placements et les faire fructifier, un peu comme un REER – à moins de s’en servir pour lancer une autre entreprise », explique Michel Babeu.
La médaille a toutefois son envers : « Au moment de vendre la compagnie opérante, les risques sont grands que l’acheteur ne veuille pas de la société de gestion et des placements qu’elle détient », prévient le comptable agréé.
Sans compter qu’au moment de vendre l’entreprise, une société de gestion la détenant entièrement n’est pas admissible à l’exemption fiscale applicable à la première tranche de 825 000 $ de gain en capital. L’exemption est en effet réservée aux individus.
Pour contourner le problème, Michel Babeu propose une formule mixte, combinant une société de gestion et des actions détenues personnellement, par exemple dans le cadre d’une fiducie familiale qui possède l’entreprise.
Réinvestir dans l’entreprise ?
La proportion des profits qui devrait être réinvestie dans l’entreprise pour la faire croître varie grandement d’un secteur d’activité à l’autre, même d’une entreprise à l’autre, selon Michel Babeu. « Le seul élément commun est qu’une entreprise en santé devrait avoir un taux d’endettement qui ne dépasse pas 60 %. À 75 %, les créanciers trouveront que le risque est trop élevé par rapport à l’intérêt qu’ils en tirent. »
À ses yeux, il n’est pas mauvais pour une entreprise en croissance d’avoir des dettes : « Lorsqu’une entreprise est 100 % en capitaux propres, je conseille de contracter un prêt, pour partager le risque avec la banque. »
Acquisition d’une entreprise concurrente, achat d’équipement destiné à améliorer la productivité et agrandissement de l’usine ne sont que quelques-unes des possibilités parmi les nombreuses façons de réinvestir le surplus de liquidités – des décisions qui dépendront de la situation de chaque entreprise.